Othman Fekraoui
A l’occasion de sa résidence à Paris en 2010, l’artiste Othman Fekraoui a réalisé un travail particulier intitulé « Le Témoin ». Ce projet-performance fabriqué dans son atelier va traverser une bonne partie de Paris pour arriver à Saint-Ouen. Ce périple n’en serait pas un si on ne connait pas les intentions de l’artiste qui sont celles de rendre ce qui est stable mobile et ce qui est mobile stable !
Ce vaste projet se concrétise par une forme de tombeau sur roulettes. Pour le rendre vivant, voire interactif, l’artiste marocain a choisit de disposer une caméra sur cette forme rectangulaire et d’un miroir dans lequel chacun pourra y trouver l’image qu’il cherche, c’est-à-dire lui-même . « Le Témoin », c’est donc nous, nous qui sommes à la fois vivants et qui assistons à cet acte du transport d’un tombeau blanc de forme arabisante. L’artiste nous renvoie donc à la notion de temps, puisque le tombeau est le lieu du repos après la mort, tandis qu’une caméra cachée serait plutôt celle d’un rappel au temps présent qui permet de restituer en réel sur l’écran inséré sur ce tombeau les visages des personnes qui se pencheront dessus.
Ce projet a des précédents dans l’histoire personnelle d’Othman Fekraoui qui a été souvent au contact de la mort, de part les lieux où il a habité qui ont certainement conditionné son travail artistique. Sa chambre d’enfant était adjacente à celle de la salle de travail d’une maternité, sans jamais voir ce qui s’y déroulait, il a donc assisté à la mise au monde de l’être humain par les cris et commentaires des femmes. D’autre part, sa maman avait aussi pour travail celui d’entretenir des tombes au cimetière de Tanger (Mojahidin). La proximité avec la mort et la vie a donc forcément influencé sa conception de la vie.
En constant conflit entre ces deux états, Othman Fekraoui a choisit de travailler avec la performance, comme par exemple à l’occasion d’une invitation en 2007 au festival de Casablanca où durant 1h30 après avoir tourné autour d’un cercle de lumière, prit de vertige, il s’effondre. Un an plus tard, aux abords de Tanger, il s’est entièrement enseveli sous terre, pour expérimenter un certain retour à la condition originaire de l’homme.
C’est dans ces allers-retours entre l’espace et le temps que se situe les recherches d’Othman Fekraoui, né en 1982, à Tanger, travaille à Tanger, diplômé de l’école des Beaux-Arts de Tétouan.
Cécile Bourne-Farrell